Budget : loi de finances 2012


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Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Got, première inscrite dans la discussion.
Mme Pascale Got. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le budget de la mission « Économie » est particulièrement sensible, puisqu’il concerne directement notre capacité à soutenir l’emploi, la compétitivité des entreprises et, plus globalement, la croissance.
Malheureusement, ce budget est à l’image de la politique menée par votre gouvernement, c’est-à-dire régulièrement inadapté aux enjeux économiques. Je voudrais insister sur deux secteurs en particulier : les programmes « Tourisme » et « Développement des entreprises et de l’emploi ».
Tout le monde connaissant le poids du tourisme en France, je n’y reviendrai pas dans le détail : près d’un million d’emplois directs, 46 milliards de recettes, plus de 6 % du PIB et près de 8 milliards d’euros de solde excédentaire. Bref, c’est un secteur beaucoup moins banal qu’il n’y paraît dans notre économie, tant en termes d’emplois qu’en matière d’excédent de la balance commerciale et, globalement, d’apport de richesses pour notre pays.
Oui, le tourisme pourrait être un secteur vraiment majeur, quand notre croissance chute et quand notre déficit extérieur explose. Mais vous le galvaudez une nouvelle fois en baissant son budget, si bien que l’on se retrouve aujourd’hui avec un montant de 44 millions d’euros, soit moins que celui consacré par mon département, la Gironde, à l’entretien de ses routes !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Vous auriez dû mieux écouter M. Dreyfus !
M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial. Oui, il y a incohérence entre vous !
Mme Pascale Got. Alors qu’il faudrait faire du financement du tourisme une priorité, vous faites le contraire : chaque année vous réduisez ses moyens. Du coup, nous perdons chaque année des parts de marché à l’international.
Un exemple de cette baisse : Atout France, créé il y a tout juste deux ans pour le développement et la promotion du tourisme, perd 4 millions d’euros. Or, dans le même temps, vous allez augmenter sa charge de travail. La part du partenariat financier qui était censée conforter son action, suite au désengagement financier de l’État, diminue aussi et je doute que cette baisse s’arrête prochainement. Franchement, si l’on voulait accélérer nos pertes de marchés à l’international, on ne s’y prendrait pas autrement !
Autre exemple de baisse : celle qui est liée à l’amélioration de la qualité de l’offre touristique. Là aussi, tout retard pris fera le jeu des pays émergents qui nous concurrencent d’ores et déjà.
Dernier exemple, et non le moindre : vous sacrifiez dans ce programme « Tourisme » l’accès aux vacances pour tous. Pourtant, le nombre de Français qui ne peuvent pas partir en vacances augmente régulièrement – 3 millions de plus cette année : quasiment un Français sur deux reste chez lui.
Je regrette sincèrement qu’en période de crise, alors que la précarité ne cesse de croître, le Gouvernement ait décidé d’abandonner le tourisme social. Mais votre désengagement en matière de tourisme se retrouve dans toute votre politique industrielle.
Concernant le programme « Développement des entreprises et de l’emploi », la diminution des crédits se poursuit, comme l’an passé. Aucune véritable priorité ne semble véritablement se dégager. Ainsi, de manière emblématique, le budget en faveur des entreprises industrielles diminue de 9 %. Pourtant, le chef de l’État nous avait promis de « mettre le paquet » sur une vraie politique industrielle. En fait de paquet, c’est plutôt du plomb que l’on a mis sur ce budget. Cette absence d’ambition dans la politique industrielle devient dramatique face au déficit de notre balance commerciale qui se creuse. Le retard pris est une faute pour l’avenir économique de la France.
On aurait pu espérer que ce budget soit au moins l’occasion d’affirmer l’émergence d’une politique claire pour soutenir la création de certaines filières industrielles liées aux énergies nouvelles : l’éolien, le photovoltaïque ou d’autres énergies. Il n’en est rien. Visiblement, vous allez poursuivre dans cette politique de l’incertitude, du stop and go,et oublier les belles envolées du Grenelle de l’environnement.
Pas de politique industrielle cohérente, pas davantage de soutien aux PME. Les crédits du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce poursuivent leur dégringolade : près de 15 % de diminution pour le FISAC en 2012. Tant pis donc pour les territoires ruraux, qui ont pourtant besoin de ces crédits.
Tant pis aussi pour ces mêmes territoires, qui continueront de subir la fracture numérique. Ce budget pour 2012 n’apporte aucune réponse sur le financement du Fonds d’aménagement numérique du territoire, créé par la loi du 17 décembre 2009. Encore un objectif ambitieux annoncé par le chef de l’État qui disparaît !
Pour ce qui est des consommateurs, les moyens consacrés à leur protection et à leur sécurité sont aussi remis en cause. Vous avez élargi le champ d’intervention des services de la concurrence et de la répression des fraudes, et aujourd’hui vous réduisez les effectifs et les moyens financiers !
Vous avez proposé, d’ailleurs à juste titre, de renforcer la protection des consommateurs, mais vous ne donnez pas les moyens de faire appliquer la loi. En réalité, je crois que, au-delà de votre propre volonté, vous vous heurtez à une logique politique qui consiste à « raboter », comme vous dites, partout. Même là où il faut être rigoureux, vous l’êtes sans trop de discernement, faute d’avoir préalablement défini des priorités.
Pourtant, chaque semaine, on voit le Président aller à la rencontre des salariés dans les usines. Rencontrer les salariés, c’est plutôt bien. Mais pour leur dire quoi ? Que la France a une politique industrielle volontariste ? C’est faux ; ce budget le prouve. Que la France fait le choix d’une croissance fondée sur les énergies renouvelables suite au Grenelle de l’environnement ? C’est faux ; ce budget le prouve.
Que la France se donne encore les moyens de gagner la bataille de la compétitivité ? C’est faux, et ce budget le prouve également. Alors que notre commerce extérieur est de plus en plus déficitaire, vous réduisez les dépenses de soutien à l’économie et vous maintenez les dépenses fiscales improductives : la réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune, c’est 2 milliards d’euros, et 2 milliards d’euros, c’est cinquante ans de salaire pour les 1 500 employés de l’usine Ford de Blanquefort, c’est l’augmentation de 130 % des bourses pour les étudiants, c’est 2 000 crèches en plus, c’est 32 000 années de RSA !
Derrière ces coupes budgétaires, derrière ces choix fiscaux, ce sont des milliers de personnes qui sont au chômage aujourd’hui ou dont le pouvoir d’achat se dégrade de plus en plus, des milliers de personnes qui, franchement, attendent du chef de l’État autre chose que des visites sur le terrain bien huilées pour le journal télé de 20 heures ! Aller parler dans les usines, faire du tourisme industriel, cela ne fait pas une stratégie ni une politique industrielle.
En réalité, ce budget est trop incohérent au regard des objectifs affichés. Il reflète l’absence de priorité et l’inefficacité de vos choix politiques. Pour toutes ces raisons, je serai beaucoup moins consensuelle que M. Tony Dreyfus : nous refuserons votre budget.