Pascale Got au Ministre Estrosi : privatiser la Poste, c ’est votre choix politique

hcyleAujourd ’hui, Pascale Got a fait à la tribune de l ’Assemblée Nationale la déclaration suivante :

Il y a quelques mois à peine en pleine crise financière, on aurait pu croire que les inconditionnels du libéralisme et de la déréglementation s ’étaient amendés et  qu ’ils redécouvraient les vertus de la puissance publique.

En réalité cette conversion était opportuniste et de court terme. Les textes mis en débat, ces derniers mois, montrent que le Gouvernement n ’a pas pris la mesure des conséquences des dérégulations.

Ce projet de loi,  en est une nouvelle illustration. Car ce texte vise d ’abord et surtout à modifier le statut de la Poste en transformant cet établissement public en une société anonyme.

Monsieur le Ministre, vous justifiez la nécessité de ce changement de statut, notamment par l ’ouverture à la concurrence décidée au niveau européen et par la nécessité d ’assurer l ’avenir et la modernisation de cette institution.

Bien sûr, nous pouvons vous rejoindre sur les défis à relever par le service postal. Indépendamment de la fin du monopole, son adaptation à un nouvel environnement et à la modification des comportements des usagers, est à l ’évidence une nécessité. Mais nous sommes en profond désaccord sur les moyens pour y parvenir, tant pour des raisons de choix de société  que pour des raisons techniques.

Nous ne croyons pas que la transformation en société anonyme soit la solution pour assurer l ’avenir de ce service public. Les arguments avancés sont loin d ’être convaincants. Ils soulèvent plus de questions qu ’ils n ’apportent de réponses.

Vous savez parfaitement que ni les directives ni les normes communautaires ne comportent d ’obligations juridiques concernant le statut des opérateurs. En changer  relève du seul ressort des Etats membres.

Ne nous faites pas croire à une quelconque volonté européenne. C ’est d ’abord votre choix politique. Ca c ’est le premier constat!

Le second, c ’est que pour  réformer l ’ organisation et le fonctionnement de la poste nul besoin de changer son statut.

D ’ailleurs aucune analyse convaincante n ’a été avancée pour démontrer que, dans le contexte actuel, une ouverture de capital présenterait des avantages par rapport aux autres modes de financement possibles.

Sur la base de son statut actuel elle a parfaitement la possibilité d ’assurer cette évolution.

Alors, Monsieur le ministre, si transformer la poste en société anonyme ne  relève d ’aucune obligation européenne, si ce  ce n ’est pas non plus un préalable à sa modernisation, alors cela résulte en réalité d ’une stratégie politique qui ouvre directement la porte à une future privatisation.

Pour vous en défendre, vous répétez à s ’assiéter que les capitaux de la future société anonyme seront à 100% publics et qu ’ils le resteront puisque cela est inscrit dans la loi. Vous annoncez à l ’envie, le caractère « imprivatisable » de la Poste. Or nous savons tous que, ce qu ’une loi à fait, une autre loi peut le défaire.

Vos engagements d ’aujourd ’hui ne manquent pas d ’en rappeler d ’autres.

En 2004, Nicolas Sarkozy affirmait : Il n ’y aura pas de privatisation d ’EDF et de Gaz de France, c ’est clair, c ’est simple et c ’est net » On sait ce qu ’il en est advenu pour GDF. Malheureusement c ’est aujourd ’hui  aussi clair, simple et net!

Et je pourrai donner d ’autres exemples.

On voit bien que l ’ouverture de capital est souvent la pose de la première pierre vers la privatisation des entreprises publiques.

Inscrire dans la loi qu ’un service public est national, n ’est pas non plus une garantie à toute épreuve. Le Conseil constitutionnel a déjà clairement précisé que cela n ’empêche en rien son transfert vers le secteur privé.

Seule une inscription dans la Constitution mettrait la Poste à l ’abri d ’une privatisation.

En réalité, je vous le dis  Monsieur le ministre, la seule véritable garantie de ne pas privatiser la Poste, c ’est de ne pas la transformer en société anonyme. Tous les autres arguments que vous mettrez en avant, relèvent des promesses voire de l ’habillage.

Monsieur le Ministre, ce projet de loi  est dangereux pour l ’avenir du service postal. Il n ’est pas acceptable en l ’état pour plusieurs raisons :

Il transforme le statut juridique de la Poste sans justifications ni garanties réelles,

Il n ’apporte pas de  réponse sérieuse sur le financement et la régulation du service public.

Il n ’apporte aucune perspective, aucune réflexion sur les besoins des utilisateurs et des territoires ni sur les moyens d ’y faire face. Alors que c ’est cela qui devrait être au cœur de nos débats.

Il n ’apporte pas non plus de  réponse crédible sur le financement du service universel ni sur la contribution à l ’aménagement et au développement du territoire.

En fait, tout l ’enjeu aurait du porter en priorité sur l ’utilisation des marges de manœuvres existantes pour conforter les missions de service public de la Poste.

D ’autant plus que la Commission européenne n ’interdit pas les aides de l ’Etat quand elles sont destinées à couvrir les charges liées à l ’exercice de missions de service public.

Au lieu de cela, vous avez choisi une approche idéologique et réductrice qui menace le plus symbolique des services publics pour la majorité de nos concitoyens.

Aujourd ’hui la Poste, c ’est une nécessité majeure pour des millions d ’utilisateurs surtout pour les plus fragiles.

Pourquoi ?  parce que :

C ’est le courrier distribué à un tarif unique sur tout le territoire et en particulier dans les zones rurales les plus éloignées.

C ’est le versement des minimas sociaux pour les  plus défavorisés.

C ’est l ’accès à une banque de proximité pour tous.

C ’est souvent le seul contact quotidien pour les personnes les plus isolées et le dernier service public dans les zones rurales et urbaines sensibles.

Mais qu ’en sera-t-il demain avec une société anonyme ?

La réponse est toute trouvée: Que ce soit dans l ’énergie, dans les transports ou dans les télécommunications, chaque fois qu ’un statut change, chaque fois l ’emploi recule, les prix augmentent et la qualité des services diminue.

Les exemples dans d ’ autres pays européens comme la Suède, l ’Allemagne ou l ’Angleterre sont explicites. Ils ont largement montré cette dégradation du service.

Chaque fois que le statut de la poste a changé, on a observé une diminution du nombre de bureaux de poste et des effectifs.

Il n ’y a aucune raison qu ’il en soit autrement demain pour notre pays.

Et ce n ’est pas l ’inscription dans ce projet de loi d ’un réseau de 17.000 points de contacts qui pourra nous rassurer.

Déjà en milieu rural, ces points de contact sont de moins en moins des bureaux de postes et de plus en plus des agences postales communales ou des relais, qui n ’offrent pas le même degré de services.

L ’expérience montre qu ’il suffit de réduire l ’amplitude des horaires d ’ouverture, pour constater une baisse de la fréquentation et justifier ainsi la fermeture du bureau de poste.

Nous sommes tous confrontés à cette situation en milieu rural comme dans certains quartiers urbains.

La transformation en société anonyme et la recherche de la rentabilité maximale qui en découlera, à termes, ne feront qu ’amplifier cette tendance.

Les français ont tout à perdre d ’un changement de statut qui laissera l ’ouverture possible à la privatisation.

D ’ailleurs ils ne sont pas dupes. Ils sont plus de 2 millions à s ’être exprimés clairement contre ce changement.

Manifestement le Gouvernement ne souhaite pas les entendre. Pas plus qu ’il ne souhaite entendre notre demande de référendum.

Pour toute réponse nous avons droit à la procédure accélérée pour examiner ce texte. Vous avez tort. L ’avenir de la Poste méritait mieux.

Pour toutes ces raisons nous nous opposons à cette réforme dangereuse. Elle  ne répond pas aux défis que devra relever la Poste, pour garder un service public de qualité sur l ’ensemble du territoire.