Suppression de la taxe professionnelles : inquiétudes

Les dispositions relatives à la suppression de la taxe professionnelle discutées à l ’Assemblée nationale ont été adoptées en première partie du projet de loi de finances pour 2010 . Ce sujet met en danger la démocratie locale en privant les collectivités des ressources indispensables à leur action.

Comme vous le savez, l ’actuelle taxe professionnelle devrait être remplacée à partir du 1er janvier 2010 par la contribution économique territoriale (CET).

Cette nouvelle imposition sera la somme de la cotisation locale d ’activité (CLA) reposant sur les valeurs locatives foncières (ancienne part foncière de la taxe professionnelle) et d ’une cotisation complémentaire assise sur la valeur ajoutée (CC). Ces deux composantes de la CET seront plafonnées à 3% de la valeur ajoutée.

Tous les groupes politiques partagent la nécessité de modifier l ’imposition économique locale des entreprises. Moins taxer les investissements, les industries, les entreprises soumises à une forte concurrence internationale répond à un objectif de bon sens. En résumé, la réforme oui, mais pas n ’importe laquelle ! Les conséquences pour les communes et les intercommunalités du dispositif actuellement envisagé seront graves.

 Trois aspects de la réforme sont particulièrement contestables.

1) L ’autonomie fiscale des communes est menacée. Certes, le Gouvernement a prévu que 20% de la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée soit affectée au bloc communal, alors que le texte initial attribuait cette recette aux seuls départements et régions. Sur ce point particulier, le Gouvernement a eu la sagesse d ’entendre ce que le groupe socialiste  a défendu avec certains des députés de la majorité. Pour autant, l ’autonomie fiscale reste réduite par la réforme. L ’entrée du barème retenue par la majorité  limite grandement la portée de cette territorialisation de la CC. En effet, seules les entreprises dont le chiffre d ’affaires est supérieur à 500 000 euros seront imposées et en réalité grâce aux abattements prévus les entreprises pourront échapper à la CC jusqu ’à 2 millions d ’euros de chiffre d ’affaires ! Cela réduit ainsi considérablement l ’assiette. Par ailleurs, l ’imposition au taux de 1,5% ne concerne que les entreprises réalisant un chiffre d ’affaires supérieur à 50 millions d ’euros.

Lorsque les entreprises atteindront le plafond de 3% de la valeur ajoutée produite, les augmentations de Contribution locale d ’activité décidées par les collectivités locales seront privées de portée concrète car les collectivités continueront à supporter à leurs charges une partie des hausses décidées au-delà de ce plafond (mécanisme du ticket modérateur).

Ce sont essentiellement les petites entreprises ou entreprises moyennes qui supporteront les conséquences des hausses sur certains territoires où les grandes entreprises présentes ont des bases d ’ores et déjà plafonnées. Le groupe socialiste proposait, au contraire, la suppression du ticket modérateur et le maintien du plafond actuel à 3,5 %. Couplé à la refonte du barème de cotisation complémentaire que nous défendions, il aurait pu permettre d ’obtenir 2 milliards d ’euros de plus pour les collectivités locales. Cette demande a été rejetée.

Dès lors, favoriser l ’implantation d ’entreprises représentera toujours un travail considérable pour les communes mais n ’engendrera plus en retour la juste compensation par l ’élargissement des bases fiscales. Au final, c ’est vers les ménages que les communes devront se retourner pour maintenir un niveau constant de services à leurs populations.

2) L ’Etat ne s ’est engagé à compenser la perte de recettes de taxe professionnelle que pour l ’année 2010, mais rien n ’est garanti au delà. Cette compensation se fera mais avec l ’application aux bases théoriques des taux votés en 2008 (le minimum aurait été de compenser le produit de la TP perçu en 2009) : cela représentera un manque-à-gagner de 800M€.

Les années suivantes, les dotations seront figées et ne progresseront pas, rendant ainsi les collectivités toujours plus dépendantes de l ’Etat. Après 2010, le risque est grand à la lumière de l ’expérience que l ’Etat se serve de ces dotations comme variable d ’ajustement budgétaire.

3) L ’absence de péréquation pour le bloc communal fait peser un très grave risque sur les communes les moins favorisées. En effet, rien n ’est prévu pour les communes, contrairement aux régions et départements (deux fonds nationaux sont créés grâce au travail en commission des finances). Sans nouveau mécanisme de compensation, le Gouvernement ne respecte pas le principe d ’égalité auquel nous sommes collectivement si attachés.

Cette réforme est dangereuse pour les ménages, soit parce que les collectivités se tourneront vers eux pour maintenir leurs recettes, soit parce qu ’elles dégraderont le niveau des prestations et des services rendus à leurs populations.

Le Sénat examinera dans les prochains jours le texte.  Il est essentiel de faire entendre la voix des communes et intercommunalités.